L’hydrogène vert qui deviendra crucial pour rendre l’industrie plus verte dans les années à venir pourrait bien ne pas être aussi vert que son nom le suggère. L’UE négocie cette semaine les « règles du jeu » pour l’hydrogène vert, qui pourraient être considérablement assouplies sous la pression de l’industrie.
L’industrie produit actuellement de l’hydrogène « gris » à partir de gaz naturel. L’hydrogène vert est fabriqué à partir d’eau et d’électricité renouvelable. Alors, à quel point est-il difficile de déterminer quel hydrogène est vert ?
Dans la pratique, cela s’avère assez difficile. Bruxelles travaille depuis des années sur des règles relatives à la définition de l’hydrogène durable. Ces règles devraient garantir qu’aucun gaz à effet de serre n’est émis lors de la production du gaz vert. L’hydrogène vert est considéré comme l’un des principaux moyens d’inciter les entreprises polluantes à abandonner le charbon et le gaz naturel.
La loi européenne sur l’énergie stipule que l’hydrogène vert doit être produit à partir de nouvelles énergies renouvelables, appelées « additionnelles » dans le jargon de Bruxelles. L’idée est que les producteurs d’hydrogène investissent dans la construction de parcs solaires et éoliens supplémentaires. Cela devrait les empêcher d’acheter de l’énergie verte existante sans rendre le système électrique dans son ensemble plus durable.
À l’origine, la Commission européenne était censée publier des règles à cet effet à la fin de l’année dernière. Mais cette publication a été retardée à plusieurs reprises en raison d’un lobbying intense de toutes parts. Les groupes environnementaux souhaitaient des règles strictes qui rendraient, par exemple, obligatoire le raccordement direct d’une centrale à hydrogène à un parc éolien. L’usine serait alors autorisée à produire de l’hydrogène uniquement lorsque les turbines éoliennes fonctionnent.
Au lieu de cela, l’industrie de l’hydrogène voulait des règles flexibles, permettant aux usines de faire plus d’heures. Les entreprises préfèrent faire tourner leurs usines même lorsque l’énergie solaire ou éolienne n’est pas disponible pendant un certain temps. Il est donc plus intéressant d’investir dans la production d’hydrogène, mais le gaz renouvelable n’est pas seulement fabriqué lorsqu’il y a un excédent d’énergie verte.
Une journée historique
En mai, la Commission a finalement publié sa proposition, un compromis entre les deux. À partir de 2027, des règles strictes s’appliqueront à la production d’hydrogène, mais les usines déjà en activité avant cette date ne devront pas encore s’y conformer. Ils devront certes acheter de l’électricité verte auprès d’un parc éolien ou solaire, mais ils seront autorisés à faire fonctionner la centrale même s’il n’y a pas d’électricité verte pendant un certain temps. L’exception continuerait à s’appliquer pendant toute la durée de vie de l’installation.
Le mois dernier, le Parlement européen a eu son mot à dire sur la nouvelle loi sur l’énergie. Par une majorité extrêmement étroite de 314 voix contre 310, le Parlement a décidé de jeter les règles à la poubelle. Grâce aux représentants du peuple, les producteurs d’hydrogène seront autorisés à acheter « simplement » de l’énergie verte, comme le font déjà les centres de données ou les usines.
L’association professionnelle Hydrogen Europe a célébré le vote comme « un jour historique pour l’hydrogène vert ». Les règles plus souples permettront de produire 10 millions de tonnes d’hydrogène vert par an dès 2030, comme le souhaite l’UE, selon le groupe de pression. La moitié de tous les carburants utilisés par l’industrie devrait alors être verte.
Tom Berendsen, député européen de l’ADC, est également heureux qu’il n’y ait pas de « restrictions inutiles » sur la production d’hydrogène. « Le marché européen et néerlandais de l’hydrogène doit décoller rapidement. Sinon, nous perdrons de précieuses années dans la transition énergétique et nous réduirons les chances de l’UE d’acquérir une position de leader mondial dans ce domaine. »
Une surprise désagréable
Mais pour les partis de gauche et les groupes environnementaux, le vote a été une surprise désagréable. « C’est une grande honte que cela ait été adopté de cette manière », déclare Geert De Cock de Transport & Environment. Il craint que Bruxelles ne se préoccupe surtout de l’énorme quantité d’hydrogène à produire à court terme, mais pas de sa qualité.
La fabrication de 10 millions de tonnes d’hydrogène vert nécessite autant d’électricité que la France en consomme annuellement. M. De Cock craint que cette électricité ne provienne pas uniquement des nouveaux parcs éoliens et solaires si le Parlement obtient gain de cause. « Alors ce sera juste écoblanchiment. L’hydrogène étant propre sur le papier, mais l’approvisionnement en électricité devenant plus fossile. »
Le député européen de GreenLeft Bas Eickhout partage cette crainte. « Les producteurs d’hydrogène ne sont donc pas incités à investir eux-mêmes dans davantage de panneaux solaires ou de turbines éoliennes. Au moment où il est encore plus clair que nous devons nous débarrasser rapidement des gaz fossiles, il est insensé de ne pas saisir toutes les occasions d’accélérer l’écologisation de l’économie. »
La décision finale tombera dans les prochaines semaines
Le vote du Parlement ne marque pas la fin du débat sur l’hydrogène. Les négociations entre la Commission européenne, le Parlement et les États membres de l’UE sur les règles finales commencent jeudi.
Selon M. De Cock, l’Allemagne et la France ne sont pas favorables à cet assouplissement. Le ministre Rob Jetten (Climat et énergie) a également salué plus tôt la proposition de la Commission européenne, qui fixerait des exigences strictes à partir de 2027. Le fait que les centrales à hydrogène ne soient autorisées à produire qu’aux moments où les éoliennes fonctionnent effectivement est « exactement ce que je vise à long terme », a écrit M. Jetten en réponse aux questions parlementaires.
Selon M. Eickhout, il n’est donc « pas encore acquis » que l’industrie de l’hydrogène parviendra à ses fins. « Les prochaines semaines sont encore très excitantes ».