À partir de mardi, l’organisation aéronautique des Nations unies, l’OACI, se réunira pour discuter de l’avenir de l’aviation. Une grande partie des discussions portera sur le climat. Y aura-t-il enfin un objectif climatique international pour ce secteur polluant qui, selon les experts, ne fait pas encore assez d’efforts pour devenir plus durable ?
Depuis le protocole de Kyoto de 1997, l’aviation internationale ne fait pas partie des objectifs climatiques que les pays se fixent mutuellement. Même lorsqu’il a été convenu à Paris de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré, l’aviation est restée à l’écart.
Le défi climatique de l’aviation a toujours été transmis à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), au sein de laquelle les pays concluent entre eux des accords sur l’aviation. Cette organisation se réunit la semaine prochaine pour discuter, entre autres, d’un « objectif à long terme ».
Il est encore très difficile de savoir si un tel objectif climatique se concrétisera et à quoi il ressemblera. Pour l’instant, l’OACI n’est pas favorable à une réduction radicale des émissions. L’organisation se concentre sur une « croissance neutre en carbone ». L’idée est qu’à partir de 2020, aucune émission supplémentaire de CO2 ne devrait être rejetée dans l’atmosphère si le nombre de vols continue à augmenter. Cela devrait au moins permettre de stopper l’augmentation des émissions.
Un système de rémunération déficient
C’est du moins la théorie. En pratique, l’OACI veut y parvenir en poursuivant la croissance mais en compensant les émissions supplémentaires. Le système CORSIA mis en place à cet effet présente des lacunes fondamentales, selon les experts. Les émissions de CO2 ne sont compensées qu’au-delà du niveau de l' »année de référence » 2019, juste avant la crise de Corona. Entre-temps, nous sommes de nouveau bien en deçà du pic de l’aviation, de sorte que rien n’est compensé pour l’instant. Par ailleurs, de grands pays comme la Chine, l’Inde et la Russie n’ont pas encore rejoint CORSIA.
Et s’il y a une quelconque compensation, les compagnies aériennes peuvent acheter les certificats nécessaires à des prix dérisoires dans le cadre de projets mal contrôlés. Ce système n’est rien d’autre qu’une « fraude climatique », conclut le groupe environnemental Transport & Environnement, basé à Bruxelles.
Avec le système de compensation, l’aviation transfère sa responsabilité à d’autres secteurs, déclare Koenraad Backers, expert en aviation de l’organisation environnementale Natuur & Milieu. « Nous n’avons tout simplement pas cet espace, donc la compensation n’est de toute façon pas une solution ».
Non conforme à « Paris ».
Alors, comment le secteur doit-il se mettre au vert ? Il s’avère extrêmement difficile de se mettre d’accord sur ce point avec près de 200 pays. « Ils ont tous un grand intérêt personnel dans l’aviation », déclare M. Backers. « Donc ce que vous voyez, c’est qu’en termes de politique climatique, peu de choses sortent de l’OACI ».
C’est également ce qui ressort d’un récent rapport de Climate Action Tracker, une organisation qui passe en revue les plans climatiques internationaux. Si l’aviation veut faire sa part pour maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 degré, les émissions devraient diminuer de 90 % d’ici à 2050. À l’heure actuelle, le secteur est en passe de doubler, voire de tripler, ses émissions.
Dans les plans de durabilité qui existent, l’aviation ne s’intéresse souvent qu’aux émissions de CO2. Mais l’effet de serre des autres gaz émis par les gaz d’échappement des avions peut être jusqu’à deux fois plus important. Pourtant, elles sont souvent ignorées.
Rien ne semble devoir changer à la réunion de l’OACI non plus. « La façon dont nous traitons cette question relève d’une autre assemblée générale », écrit le conseiller politique Michael Lunter du ministère des infrastructures et de la gestion de l’eau dans une perspective publiée dans le journal de l’organisation européenne de l’aviation CEAC.
Objectifs nationaux
L’OACI peut jouer un rôle important en poussant l’aviation vers « Paris », déclare Silke Mooldijk, de l’Institut allemand NewClimate, auteur principal du rapport Climate Action Tracker. « Mais il est particulièrement important que chaque pays se fixe des objectifs. Certainement l’Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Ce sont, avec la Chine, les plus grands marchés de l’aviation internationale. »
Les Pays-Bas s’engagent au sein de l’OACI en faveur d’un « objectif ambitieux à long terme » pour l’aviation internationale, a écrit le ministre Rob Jetten (climat et énergie) dans le mémorandum annuel sur le climat la semaine dernière. Depuis 2020, La Haye travaille également sur un plafond national de CO2 pour l’aviation, qui doit être décidé avant la fin de l’année.
Au niveau européen, les compagnies aériennes auront l’obligation d’utiliser des carburants durables. Au cours des prochaines décennies, un pourcentage croissant de carburant devra provenir de biocarburants ou être « synthétisé » avec de l’énergie verte.
Cela signifie probablement aussi que le nombre de vols devra être fortement réduit, car les capacités de production de paraffine à partir de graisse de friture usagée ou d’hydrogène vert sont limitées. « Sur cette disponibilité, il faudra se baser sur la consommation de carburant aviation », explique M. Backers. « Et cela signifie que vous devez commencer à rétrécir. »
Beaucoup d’autres pays n’en sont pas encore là et veulent que l’aviation continue à se développer sur les anciennes bases. Il est donc extrêmement important que l’UE et les autres pays riches donnent le bon exemple, déclare M. Mooldijk. « S’ils osent dire clairement que nous devons fournir des alternatives et que les émissions doivent diminuer, je considère qu’il est probable que d’autres pays suivront. C’est là que réside mon espoir. »